Bon vol !
Le plus lointain de mes souvenirs d’enfance est un souvenir d’aéroport.
J’avais 3 ans et, pour des raisons professionnelles, mes parents déménageaient vers un nouveau pays pour la cinquième reprise depuis leur rencontre.
C’était la première fois que je prenais l’avion. J’étais à la fois émerveillée et terrifiée par cette masse de métal qui s’approchait de la salle d’embarquement.
J’étais focalisée sur l’idée de cette machine volante et du coup, à cet instant, ne pensais même pas à l’endroit où elle allait nous conduire.
Nous quittions Zurich pour San Francisco. Ce jour là, j’ignorais que l’instant où j’allais entrer dans la carlingue allait guider le reste de ma vie.
La petite fille que j’étais aurait pu s’attarder sur les belles tenues des hôtesses et rêver d’un jour devenir l’une d’entre elles. Mais je crois que dès le décollage, j’ai pris conscience de l’intérêt de cette machine : me transporter rapidement loin de ce que je connaissais pour découvrir un territoire dont j’ignorais tout.
À l’âge de 8 ans, j’avais déjà pris l’avion une bonne cinquantaine de fois. À chaque fois, j’étais folle de joie de savoir que j’allais soit découvrir un nouvel endroit, soit retourner à un endroit que je connaissais déjà.
À 12 ans, j’avais déjà décidé du métier que j’exercerais plus tard, et que j’exerce toujours 30 ans après, et je savais que cette profession ne pourrait se faire qu’en voyageant (très) souvent en avion.
Depuis mon premier vol à l’âge de 3 ans, j’ai parcouru des millions de kilomètres en avion (amis écolos, soyez assurée que je ne suis pas fière de mon bilan carbone), survolé tous les océans, tous les continents et quasiment tous les pays pour me poser dans des centaines de villes et en décoller quelques heures ou quelques jours après. J’ai voyagé dans à peu près tout ce qui vole : des monomoteurs aux A380 en passant par les jets privés à réaction, l’hélicoptère et l’hydravion, tantôt avec 800 autres passagers, tantôt seule avec l’équipage.
Et pourtant…
Et pourtant, j’ai peur en avion. J’ai toujours eu peur en avion et je pense que j’aurai toujours peur. Peur du vide, peur de l’enfermement, peur des changements brusques d’altitude lors du passage de turbulences. Étrangement, et malgré quelques mésaventures plus ou moins effrayantes vécues, je n’ai jamais eu peur d’un accident. Juste peur de sensations qui, au final, sont contre-nature pour un être humain.
Mais cette peur, je la surmonte, à chaque fois, sans prendre le moindre médicament, tant l’envie d’aller découvrir ma destination est forte.
Si vous lisez ces quelques lignes et que vous avez peur en avion, faites comme moi, pensez juste à votre destination, à toutes les belles choses que vous allez y découvrir et les belles personnes que vous allez y rencontrer.
Bon vol !
Illustration : Eelke de Blouw.